Travaux en cours : impact fiscal pour l’entreprise et son dirigeant

Travaux en cours : impact fiscal pour l’entreprise et son dirigeant

Travaux en cours et taxe foncière : quels enjeux pour le chef d’entreprise ?

Travaux en cours : peut-on neutraliser la hausse d’impôt ?

La décision du Conseil d’État du 5 mai 2025 (affaire Pamier, n° 499328) offre aux dirigeants un levier de pilotage budgétaire : l’administration ne peut réévaluer la taxe foncière tant que les travaux n’ont pas abouti à un état définitif. Autrement dit, le temps du chantier devient un temps fiscal neutre, pour peu que l’entreprise maîtrise son calendrier et sa documentation.

Pourquoi la valeur locative reste figée pendant le chantier

Le cadre légal en trois articles

  • Article 1516 CGI : l’assiette des impôts locaux doit refléter la valeur locative réelle.

  • Article 1517 I 1 CGI : seuls les changements « stabilisés » (consistance, affectation, caractéristiques physiques) déclenchent une mise à jour.

  • Article 1406 CGI : obligation de déclaration dans les 90 jours après achèvement.

Le Conseil d’État a jugé que des locaux « à l’état de ruche en pleine mutation » n’offraient pas de base fiable ; exiger une révision avant réception heurterait le principe d’égalité devant l’impôt.

Conséquence immédiate pour la trésorerie

  • Pas de sur-coût fiscal pendant la phase de démolition ou de réhabilitation.

  • La valeur locative “pré-chantier” sert de référence jusqu’au 1ᵉʳ janvier qui suit l’achèvement.

  • L’entreprise conserve une visibilité budgétaire, précieux atout pour négocier crédit-bail ou covenants bancaires.

Trois clés pour le CFO : transformer le délai fiscal en avantage compétitif

1. Orchestrer le calendrier d’achèvement

Un chantier réceptionné le 2 janvier plutôt que le 20 décembre reporte la revalorisation d’un an ; sur un actif logistique de grande surface, l’économie peut dépasser six chiffres.

Bon réflexe : contractualiser, dans le marché de travaux, une clause de report si le délai fiscal devient critique pour le cash-flow.

2. Sécuriser les preuves de l’état inachevé

  • Constats d’huissier réguliers.

  • Rapports hebdomadaires de maître d’œuvre détaillant le gros œuvre restant.

  • Photographies géolocalisées horodatées.

En cas de contrôle, ces pièces verrouillent la qualification « travaux en cours ».

3. Anticiper la taxe post-travaux

  • Simulation de valeur locative dès la phase APS ; un conseil immobilier peut estimer la fourchette.

  • Lissage triennal (art. 1518 B CGI) si la nouvelle base bondit de plus de 30 %.

  • Exonérations ciblées (articles 1383 à 1383 C bis CGI) pour un immeuble d’habitation ajouté à un mix-use, ou pour un bâtiment HQE labellisé.

Questions fréquentes des dirigeants et réponses pratiques

L’immeuble est-il totalement inutilisable ; puis-je suspendre la taxe ?

Uniquement si vous démontrez une impropriété absolue et durable (article 1389 CGI). La simple inoccupation pour travaux ne suffit pas.

Faut-il déposer une déclaration au démarrage des travaux ?

Non. L’article 1517 ne vise que les situations stabilisées. Déclarez dans les 90 jours après la réception ou la mise en exploitation partielle.

Puis-je rétrocéder l’économie d’impôt à mon locataire pendant le chantier ?

Oui, si le bail commercial le prévoit (clause d’indexation sur la taxe foncière). Vérifiez toutefois que la clause respecte l’article L. 145-40-2 C. com., faute de quoi elle serait réputée non écrite.

Cette répartition garantit que l’entreprise anticipe l’impôt sans retarder indûment la mise en marché du site rénové.

Que se passe-t-il après l’achèvement ? le virage fiscal

  1. Nouvelle valeur locative calculée selon l’article 1498 CGI (méthode comptable pour les locaux industriels, comparatif pour les bureaux).

  2. Application des coefficients communaux votés en décembre.

  3. Éventuelle hausse de TFPB, compensée ou non par des abattements (immobilier vert, zone de revitalisation commerciale).

Un reporting prévisionnel envoyé au board trois mois avant l’achèvement évite tout choc de trésorerie.

Risque contentieux : comment l’éviter ?

  • Respect strict des délais de réclamation (31 décembre N + 1, article R* 196-2 LPF).

  • Dialogue proactif avec le service des impôts fonciers : un dossier clair dissuade le rehaussement d’office.

  • Audit post-chantier : si la hausse excède 30 %, activer immédiatement le lissage.

Conclusion pour le chef d’entreprise

La décision du 5 mai 2025 n’est pas qu’une jurisprudence de technicien ; c’est un outil de gestion. En jouant sur le tempo des travaux, en blindant la preuve de l’état inachevé et en anticipant l’après-chantier, le dirigeant transforme une contrainte fiscale en variable d’ajustement. La clé ? Ne jamais considérer la taxe foncière comme une donnée ex-post, mais comme un paramètre stratégique de son business plan immobilier.

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