Les avocats en désaccord avec la nouvelle réforme de la justice
Alors que la ministre de la Justice et Garde des Sceaux Nicole Belloubet présentait la version définitive de la réforme de la justice ce 18 avril lors du Conseil des Ministres, les avocats poursuivent leurs actions et font part de leur grande inquiétude vis-à-vis de cette réforme. Deux visions de l’avenir de la justice semblent s’opposer et ne plus pouvoir aujourd’hui se rapprocher. Explication des points de crispations entre les avocats et la ministre de la Justice.
Deux vocabulaires très différents
La première opposition entre la Garde des Sceaux et les avocats se situe sur le champ… sémantique. En effet, le projet de loi Justice 2018-2022 présenté par Nicole Belloubet à la mi-avril vise selon le gouvernement à « offrir une justice plus rapide, plus efficace et plus moderne » aux Français.
De leur côté, les avocats n’hésitent pas à employer les termes de « mort des tribunaux des petites villes » ou de « désert judiciaire ».
Deux mondes et deux visions qui s’opposent donc radicalement.
La fusion des Tribunaux d’Instance et des Tribunaux de Grande Instance
Il s’agit peut-être là du point de crispation majeur entre les avocats et la ministre de la Justice depuis que cette dernière a renoncé à son idée de tribunal départemental unique.
Le projet de loi réformant la justice propose en effet que soient désormais fusionné les tribunaux d’Instance (TI) et les tribunaux de Grande Instance (TGI). Jusqu’à cette réforme, les tribunaux d’Instance étaient compétents pour juger les affaires civiles dont les préjudices n’excédaient pas 10 000 euros comme les cas de surendettement ou de loyers impayés.
Si la ministre parle de « mutualisation des moyens » afin de rendre la justice de demain « plus efficace », les avocats eux s’inquiètent de cette fusion et parlent d’une « volonté de faire des économies » pour le ministère de la Justice. Les avocats s’inquiètent notamment de savoir comment vont être replacés tous les agents de justice qui travaillent actuellement dans les tribunaux d’Instance français. Selon les avocats, cette fusion est donc davantage économique que réellement au service de l’efficacité de la justice.
Une justice plus numérique qui éloigne le justiciable des tribunaux
Pour les petits délits (comme les querelles entre voisins par exemple) la ministre propose de rendre, avec l’accord des deux parties concernées, des jugements sans audience directement par Internet.
Outre les problèmes de couverture Internet que connaissent beaucoup de tribunaux de province, cette annonce pose le problème du rapport entre les tribunaux et les justiciables. Les avocats dénoncent alors une justice rendue par Internet qui éloignerait les individus de l’appareil judiciaire.
La création d’un tribunal criminel départemental
Cette nouvelle réforme de la justice vise également à mettre en place un nouveau type de tribunal : le tribunal criminel départemental. Ce tribunal, qui verra le jour dès le 1er janvier prochain dans certains départements, se situera entre le tribunal correctionnel et la cour d’assises. Il jugera les crimes, comme le viol ou le vol avec armes, passibles de quinze à vingt ans de réclusion criminelle. L’objectif avancé par la ministre est de désengorger les cours d’assises.
Mais les avocats ne le voient pas de cet œil. Pour eux, ce tribunal emmène un risque de traitement trop rapide de dossiers pourtant sensibles. Mais surtout ce tribunal ne sera composé que de magistrats professionnels et non pas de citoyens comme cela est le cas dans une cour d’assises. Les avocats redoutent alors que la justice qui doit être « rendue au nom du peuple français » s’éloigne peu à peu de cet idéal républicain en écartant les citoyens du débat judiciaire.
D’autres points comme le redécoupage de la carte judiciaire ou l’uniformisation des peines suscitent également l’inquiétude mais il faudra attendre le détail de la réforme pour constater l’étendue des retouches faites par la ministre. Les avocats eux restent largement mobilisés dans tout le pays et tentent d’informer la population sur ce qui constitue selon eux les dangers de cette réforme.