Les avocats aussi sont victimes de discriminations
Contrairement à ce que l’on imagine, les professionnels du droit, avocats et juristes, ne sont pas à l’abri des discriminations. Une enquête réalisée à la demande du Défenseur des droits lève le voile sur les discriminations et l’inégalité salariale qui ont cours dans ce secteur professionnel.
Une étude commandée en 2017 par le Défenseur des Droits et qui portait sur 7136 avocats révèle l’ampleur du phénomène. L’enquête sur les diverses discriminations subies par les avocates a été réalisée en juillet 2017, avant les affaires «#balancetonporc» et «#metoo». A leur suite, le mouvement « paye ta robe » révèle en détails ce que subissent les femmes dans l’univers secret des cabinets d’avocats et des allées des palais de justice. Les conditions de travail d’une part, les discriminations dans la profession d’avocat d’autre part.
Les résultats sont affligeants. Les cas de harcèlement sexuel ne sont pas plus rares que dans d’autres secteurs d’activité à l’égard des avocates qu’on imagine armées pour se défendre.
Il y a aujourd’hui une féminisation de la profession d’avocats. Elles sont 54 % contre 46 % d’hommes, pourtant elles sont rarement associées à parts égales dans un cabinet, et sous-représentées dans les spécialités les plus rémunératrices : droit des affaires et droit international, par exemple. La maternité est un frein à la carrière des avocates comme dans d’autres secteurs d’activités. Au sein des grands cabinets, présumées absentes pour cause de congé maternité, on préfère les cantonner au rôle de collaboratrices dans l’ombre d’un avocat.
L’étude portait seulement sur les cinq dernières années. Elle révèle que 72 % des femmes et 47% des hommes avaient constaté des discriminations à leur encontre ou envers des collègues.
Les discriminations visent particulièrement le sexe, mais également le genre et la couleur de peau. 68, 2% de femmes noires dénonçaient des discriminations raciales et 19, 3% des hommes se plaignaient de discriminations liées à leur orientation sexuelle.
Bien qu’existent des recours, la plupart des professionnels victimes de discriminations préfèrent se taire. Ils renoncent à des actions en justice qu’ils estimeraient préjudiciables à leur réputation.
Des renoncements qui seraient inacceptables pour Benjamin Pitcho, avocat à la Cour et membre du Conseil de l’Ordre.
Pendant trois ans, la commission « Egalité » surnommée de manière péjorative « commission bigoudi » du Conseil national des barreaux s’est intéressée au sujet. Sa présidente, Clotilde Lepetit, avocate pénaliste à Paris a confié à « 20 minutes » son doute à propos des valeurs sociétales progressistes que porteraient les avocats.
La Fédération nationale des unions de jeunes avocats (FNUJA) s’empare aussi de la question des discriminations sexistes et autres au sein de la profession pour alerter les institutions. A Paris, qui compte environ 30 000 avocats, les nouveaux bâtonniers ont la volonté de faire évoluer les pratiques. Ainsi, une avocate qui revient de congé de maternité ne peut pas être licenciée pendant les huit semaines qui suivent.
Quant aux juristes en entreprises, pour lesquels les contrats sont négociés au cas par cas, à études égales, à CV égal, on constate des salaires inférieurs de 10 à 20% pour les femmes.
Le monde des avocats et juristes ne peut pas être le dernier où s’appliqueraient les lois contre le harcèlement et les discriminations. Sous l’influence du conseil de l’Ordre des avocats, du FNUJA, de l’ association française des avocats LGBT , des nouveaux bâtonniers, on attend un changement des mentalités et des pratiques radical.