La rupture conventionnelle : un pivot dans le paysage du travail
L'essor remarquable de la rupture conventionnelle
Depuis sa mise en place en 2008, la rupture conventionnelle s'est ancrée dans le tissu professionnel de la France, affichant une progression régulière. Cette tendance n'a été interrompue que brièvement au deuxième trimestre de 2020, période marquée par les restrictions liées au confinement et leurs impacts sur l'emploi. Les statistiques récentes confirment cette évolution : au troisième trimestre 2023, on comptabilise 130 100 ruptures conventionnelles dans le secteur privé hors agriculture et employeurs particuliers, soit une hausse de 1,9 % par rapport au trimestre précédent. L'année 2022 a vu le franchissement du seuil des 500 000 ruptures conventionnelles, attestant de l'engouement croissant pour cette modalité.
L'impulsion partagée vers la rupture
Contrairement aux préjugés, l'impulsion vers la rupture conventionnelle n'émane pas uniquement de l'employeur. Nombre de salariés, poussés par le désir d'embrasser un nouveau projet professionnel ou contraints par des conditions de travail devenues pénibles, perçoivent dans la rupture conventionnelle une voie de sortie avantageuse, assortie d'une indemnité et de la perspective d'une couverture chômage.
La négociation, un pivot crucial
La négociation de l'indemnité constitue un moment décisif dans le processus de rupture conventionnelle, que celle-ci soit initiée par le salarié en quête de renouveau ou par l'employeur dans une optique de réorganisation. Cette étape de négociation, souvent délicate, voit les parties en présence défendre leurs intérêts dans un climat parfois tendu.
La rupture conventionnelle sous pression
Dans certaines situations, la rupture conventionnelle peut s'avérer moins consensuelle, découlant d'une pression exercée par l'employeur. Le salarié, mis devant le fait accompli, est alors confronté à un dilemme : accepter la rupture, en cherchant à négocier au mieux les termes de son départ, ou rester en poste malgré l'absence de volonté de l'employeur, ce qui peut compromettre son avenir professionnel.
La rupture conventionnelle s'est érigée en instrument essentiel de la gestion des ressources humaines, grâce à sa souplesse et la sécurité qu'elle confère tant aux employeurs qu'aux employés. Néanmoins, son application nécessite une démarche équilibrée, attentive aux droits et intérêts de chacun, pour assurer des transitions professionnelles sereines et dignes.
Les critères rigoureux de la jurisprudence pour l'invalidation d'une rupture conventionnelle
La difficulté de contester une rupture conventionnelle
Les salariés poussés à accepter une rupture conventionnelle par leur employeur se heurtent souvent à un mur lorsqu'ils cherchent à remettre en cause cette décision devant les conseils de prud'hommes. Transformer une rupture conventionnelle en licenciement sans cause réelle et sérieuse représente un véritable défi, soumis aux normes strictes fixées par la Chambre sociale de la Cour de cassation.
Les conditions d'invalidation fixées par la Cour de cassation
La Cour de cassation a précisé que l'invalidation d'une rupture conventionnelle est envisageable uniquement dans des situations exceptionnelles, notamment en cas de fraude ou de vices affectant le consentement, tels que la duperie ou la pression morale. L'annulation peut également être déclarée si le salarié n'a pas reçu ou signé un exemplaire de l'accord de rupture.
Le poids de la preuve incombe au salarié
La responsabilité de prouver la manipulation intentionnelle ou la menace d'un licenciement pour faute grave en l'absence de consentement éclairé incombe entièrement au salarié. Rassembler des preuves concrètes, comme des écrits ou des attestations de collègues, peut s'avérer ardu, à moins que l'employeur n'ait commis des erreurs manifestes ou fait preuve d'une confiance excessive.
Les récentes orientations de la jurisprudence
Les arrêts récents continuent de souligner la sévérité de cette approche, rendant encore plus ardue la contestation d'une rupture conventionnelle pour les salariés. Cette orientation jurisprudentielle met en lumière la nécessité pour les employés de saisir pleinement les implications et les conséquences d'une rupture conventionnelle avant de s'y engager.
La jurisprudence actuelle établit des critères stricts pour l'annulation d'une rupture conventionnelle, réduisant de manière significative les possibilités de recours pour les salariés contraints d'accepter cette modalité de fin de contrat. Il est essentiel pour les employés de posséder une compréhension approfondie des enjeux légaux et des preuves requises pour contester efficacement une rupture conventionnelle devant les juridictions compétentes.
L'examen de la non-révocation d'une convention de rupture postérieure à un licenciement non formalisé
Cadre de la convention de rupture
Un salarié a conclu une convention de rupture avec son employeur le 24 mars 2017, avec une prise d'effet envisagée au 20 avril 2017. Plus d'un an après cette échéance, le 20 juin 2018, ledit salarié a initié une action devant le Conseil de Prud'hommes sollicitant l'invalidation de la convention de rupture et la réparation par des indemnités afférentes.
Contestation de la validité de l'action
L'employeur a réfuté la validité de cette action en se prévalant de l'article L 1237-14 du Code du travail, qui prescrit que toute action en justice doit être engagée dans un délai de douze mois suivant l'homologation de la convention, sous peine de non-recevabilité.
Plaidoirie du salarié
Le salarié, appuyé par la Cour d'appel, a soutenu que ce délai ne s'appliquait pas aux actions visant à reconnaître un licenciement non formalisé, arguant que la contestation d'un licenciement pouvait être introduite dans un délai de deux ans, désormais réduit à douze mois selon l'article L 1471-1 du Code du travail.
Arrêt de la Cour de Cassation
La Chambre sociale de la Cour de cassation a statué en faveur de l'employeur, s'appuyant sur une jurisprudence établie en 2015. Elle a déclaré que la signature d'une convention de rupture postérieure à un licenciement non formalisé constitue une renonciation bilatérale à la rupture antérieure. Par conséquent, la formalisation d'une convention de rupture interdit de revenir sur le licenciement non formalisé antérieur.
Conséquences de l'arrêt
La Cour a déduit que, les parties ayant ratifié une convention de rupture le 24 mars 2017 qui n'avait pas fait l'objet de contestation, la signature de cette convention impliquait un abandon commun du licenciement non formalisé antérieurement invoqué par le salarié. Il a été précisé que le délai de prescription mentionné à l'article L. 1237-14 du Code du travail était applicable à cette situation (Cass. Soc. 11 mai 2023 n° 21-18117).
La faculté de remettre en question la légitimité d'une convention de rupture, notamment dans le cas d'un licenciement verbal préalable, est considérablement limitée par la jurisprudence. Cet arrêt met en exergue la nécessité pour les salariés de pleinement appréhender les conséquences légales de la signature d'une convention de rupture, en particulier en ce qui concerne les renonciations implicites à des actions antérieures potentielles.
Le Bouard Avocats
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