La profession d'Avocat se féminise mais peut-on parler d'égalité ?
Deux fois plus de femmes s’inscrivent au Barreau de Paris. C’est un constat, depuis 1985, la profession s’est largement féminisée en France, comme partout ailleurs en Europe et compte à présent une majorité de femmes en son sein : 55% des avocats en France sont des femmes, 70 % des juristes, 65% des étudiants en droit. Cette tendance ne va donc pas diminuer. La féminisation concerne tous les secteurs juridiques, que ce soit les directions d’entreprises ou la magistrature.
Même si elles sont de plus en plus présentes dans la profession, elles subissent des inégalités dans leur carrière et accèdent beaucoup moins que les hommes au statut d’associé. Avec l’arrivée de deux femmes à la tête des deux structures juridiques les plus importantes en France, le Barreau de Paris et le Conseil national des barreaux et le barreau de Paris, le "plafond de verre" aura peut-être une chance de sauter.
La première fois que des femmes ont prêté serment en France c’était au siècle dernier, en 1900. Jeanne Chauvin et Sophie Balachowsky-Petit avaient réussi à franchir courageusement le cercle très fermé d'un monde juridique réservé aux hommes. Le chemin a été long pour ces femmes qui ont su faire accepter leur place dans un environnement qui fut longtemps majoritairement masculin et profondément conservateur. Cependant même si la progression a été fulgurante dès les années 80, celle-ci continue d’être marquée par des inégalités salariales, de traitement et de statut. Seules 20% de femmes arrivent à accéder au statut d’associé. Dans le domaine du droit des affaires, cet écart se creuse encore plus : "Juristes Associés" qui avait mené une étude en 2016, a révélé que 83% des avocates sont collaborateurs contre 17% seulement associées, ce chiffre tombe à 10% dans certains cabinets...
Ce phénomène n’est pas que français : aux États-Unis également, le NAWL (national association of women lawyers) indique que 17% des femmes seulement accèdent au statut de "Partner" au sein des grands cabinets alors qu’elles sont majoritaires là encore.
Les traitements de salaires eux non plus ne sont pas identiques : selon le rapport de l’avocat parisien Kami Haeri remis au garde des sceaux en février 2017, l'écart de salaire entre un avocat et une femme avocat tourne autour de 67 %.
Autre constat, les femmes ont tendance à quitter la profession plus que les hommes et plus tôt. Seuls 63% des femmes avocats exercent toujours, 20 ans après avoir prêté serment. Plusieurs études et rapports se sont penchés sur cette problématique des départs précoces. Il apparait que, bien qu’elles soient présentes en plus grand nombre, les femmes continuent de subir les affres de mentalités rétrogrades au sein des cabinets et ce, quelque soit leur taille. La médisance du début du siècle a laissé la place à une forme de sexisme. La maternité des femmes avocates est très mal perçue dans le milieu juridique et beaucoup d’entre elles préfèrent quitter la robe. Depuis 2012, plusieurs voix se sont élevées dans la profession pour faire évoluer la situation. Un observatoire de l’égalité a été créé cette année-là par le Barreau de Paris avec la mise en place d’une charte de la parité et de bonnes pratiques qui a été signée par plus d’une centaine de cabinets d’avocats français et étrangers basés en France. Autres initiative, des commissions consacrées à l'évolution des carrières des femmes au seins des cabinets et à la discrimination liée à la maternité dans les cabinets, ont vu le jour. Elles permettent d’adopter une série de mesures pour lutter contre les inégalités hommes-femmes comme une immunité accordée aux femmes avocates enceintes ou des sanctions contre les cabinets non respectueux de ces chartes.