La Cour Européenne des Droits de l’Homme "blanchit" Alain Ottan
Alors que l’avocat montpelliérain Alain Ottan avait été sanctionné d’un avertissement par la cour d’appel de Montpellier pour des propos jugés déontologiquement inacceptables, celui-ci a été acquitté ce 20 avril 2018 par la Cour Européenne des Droits de l’Homme. Retour sur cette affaire qui pose les questions de limite de la liberté d’expression pour un avocat.
A l’origine du débat, l’affaire Mourad
C’est une histoire qui avait fait grand bruit pendant le printemps 2003 à laquelle Alain Ottan avait participé.
Dans la nuit du 1er au 2 mars 2003, une course-poursuite s’engage dans les rues du Gard entre deux voitures et la gendarmerie. A l’intérieur de l’une de ces deux voitures se trouve Mourad, 17 ans. Celui-ci est pourchassé par la gendarmerie en raison de participation avec ses complices à des braquages dans la région cette nuit-là. Après les sommations d’usage, les gendarmes tirent dans le pare-brise du fourgon conduit par Mourad et l’atteignent mortellement à la tête. Si le procureur explique que le tir a eu lieu « après les sommations d’usage », les complices de Mourad affirment « ne pas avoir entendu les sommations » et la famille de Mourad n’hésite pas à parler de « bavure flagrante » de la part de la gendarmerie. Des heurts et quelques émeutes avaient alors embrasé la cité d’origine du jeune Mourad pendant le mois de mai 2003.
L’avocat parle d’un « jury exclusivement blanc »
Après l’acquittement des deux gendarmes ayant tiré sur le jeune Mourad, l’avocat de la famille de Mourad a réagi devant la presse. Si Maître Alain Ottan a tout d’abord confié qu’il a « toujours su que l’acquittement était possible », l’avocat s’interrogeait plus en profondeur sur la composition ethnique du jury chargé de juger l’affaire. En effet, Me Ottan pointe le fait que le jury est « blanc, extrêmement blanc » et que « les communautés ne sont pas toutes représentées » ce qui a, selon lui, conduit naturellement à l’acquittement des deux gendarmes responsables de la mort de Mourad.
Pour ces propos, le parquet de Montpellier lancera une procédure disciplinaire contre l’avocat montpelliérain. Celui-ci n’écopera d’abord d’aucune sanction devant le conseil de discipline mais la cour d’appel saisie par le parquet lui infligera finalement un avertissement pour n’avoir pas respecté les règles déontologiques de délicatesse et de modération inhérente à la fonction d’avocat. La Cour de Cassation, saisie à son tour par l’avocat, confirmera ce jugement.
La Cour Européenne des Droits de l’Homme tranche en faveur de la « liberté d’expression »
Mais l’avocat montpelliérain décide de ne pas en rester à la justice française et saisit la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) à propos de ce dossier. Et la CEDH a décidé que si les propos de l’avocat était « susceptible de choquer », ces derniers n’en reposaient pas moins sur une « base factuelle suffisante ». Pour la Cour Européenne des Droits de l’Homme, l’article 10 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme a été violé dans cette affaire puisque la justice française aurait restreint « la liberté d’expression » de l’avocat.
C’est ainsi que plus de 15 ans après les débuts de l’affaire, l’avocat Maître Alain Ottan se retrouve entièrement acquitté. Une décision qui fera date en ce qui concerne la liberté d’expression des avocats.