L’avocat commis d’office ne peut pas refuser de représenter un accusé

L’avocat commis d’office ne peut pas refuser de représenter un accusé

Conseil Constitutionnel : L’avocat commis d’office ne peut pas refuser de représenter un accusé !

Saisi par l’avocat lillois Franck Berton, célèbre pour son travail lors de l’affaire d’Outreau notamment, le Conseil Constitutionnel a décidé qu’un avocat commis d’office ne pouvait pas refuser de défendre un accusé, si le président de la cour lui ordonne, même en invoquant sa clause de conscience. Une décision qui fera date dans les cours de justice.

Maître Berton saisit le Conseil Constitutionnel

Le Conseil Constitutionnel statuait à la demande de Maître Frank Berton, avocat au barreau de Lille, soutenu par le Conseil National des barreaux, le Syndicat des Avocats de France et l’ordre des avocats du barreau de Lille. Tout commence en 2014, lorsque Maître Franck Berton se présente dans la cour d’assises de Saint-Omer en qualité d’avocat de Kazim Genc qui avait été condamné en première instance à 29 ans de réclusion criminelle pour le meurtre de Zakaria Ban El Mahdi le 3 novembre 2007 à Lille. À la suite du rejet de plusieurs de ses requêtes, Maître Berton avait décidé de quitter l’audience avec son client. Mais la présidente de la cour d’assises, Sophie Degouys, avait immédiatement commis d’office Maître Berton. Celui-ci invoqua alors des motifs d’empêchement que la présidente de la cour rejeta immédiatement.

Pour Maître Berton, seul le bâtonnier est compétent et présente les garanties d’impartialité indispensables afin d’estimer les motifs d’empêchement d’un avocat devant une commission d’office. Au terme d’une procédure disciplinaire engagée contre lui, Maître Berton a donc décidé de saisir le Conseil Constitutionnel de cette question par la voie d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC).

La décision des Sages désapprouve Maître Berton

Mais les membres du Conseil Constitutionnel ont décidé de donner tort à l’avocat lillois. Par leur décision, ils réaffirment que les présidents et présidentes de cour sont parfaitement légitimes pour refuser les motifs d’empêchement d’un avocat qui aurait été commis d’office à la défense d’un accusé. Même si les Sages relèvent une difficulté du métier d’avocat puisque son métier et « les obligations de son serment lui interdisent de révéler au président de la cour d’assises, au titre d’un motif d’excuse ou d’empêchement, un élément susceptible de nuire à la défense de l’accusé », ils considèrent néanmoins que le pouvoir offert au président de la cour permet de garantir les droits de la défense « en lui permettant d’écarter des demandes qui lui paraîtraient infondées ».

Un avocat commis d’office peut donc encore invoquer la clause de conscience afin d’éviter de défendre un accusé mais il ne pourra pas aller contre la décision du président de la cour d’assises si celui-ci rejette sa demande et le contraint à représenter cet accusé. En revanche, le Conseil Constitutionnel a réaffirmé que l’accusé « peut à tout moment choisir son avocat » ce qui aura pour conséquence immédiate d’annuler « la désignation faite par le président ».

Avec cette décision du Conseil Constitutionnel de ce vendredi 4 mai 2018, confirmation est faite qu’un accusé a le droit de choisir qui peut le défendre mais qu’un avocat commis d’office ne peut en aucun cas s’opposer à sa commission si l’ordre lui est donné par le président de la cour. Une réaffirmation du droit qui ne sera pas sans conséquence pour Maître Berton qui s’expose encore à des poursuites disciplinaires.