Intelligence artificielle et robotique, vers un cadre juridique inédit

Intelligence artificielle et robotique, vers un cadre juridique inédit

La Commission européenne est en pleine discussion concernant l'élaboration d'un nouveau droit dédié aux robots. Le 27 janvier dernier, la Commission des affaires juridiques du Parlement a remis un rapport qui propose d'attribuer une "personnalité juridique spécifique aux robots". Le texte a été rapporté par l'eurodéputé luxembourgeoise Mady Delvaux.
Suite à cet événement, une lettre ouverte a été signée par plus de 200 juristes et scientifiques pour alerter sur les conséquences de cette proposition. Parmi les signataires, on retrouve de grands chercheurs comme Laurence Devillers (professeur à la Sorbonne et chercheuse au CNRS) ou Serge Tisseron (psychiatre et membre de l'Académie des technologies). 

La responsabilité au cœur du débat

Pour le collectif spécialisé dans le droit de la robotique et de l'intelligence artificielle, ce nouveau cadre ne serait qu'un subterfuge pour permettre aux constructeurs de se dédouaner des responsabilités qu'engendre la construction de leurs nouvelles machines. En effet, la recommandation 59F stipule que "les robots les plus sophistiqués puissent être considérés comme des personnes électroniques responsables de réparer tout dommage causé à un tiers". Ce nouveau statut aurait donc pour effet d'effacer la responsabilité des fabricants qui sont aujourd'hui soumis aux règles relatives des produits défectueux. Il pourrait également dégager les utilisateurs de toutes responsabilités alors que ces derniers sont les seuls maîtres d'utilisation de leurs appareils électroniques. Qui assurera l'indemnisation des victimes de dommages si les seuls responsables sont les robots ? Deux pistes sont aujourd'hui envisagées : les assurances (une personne utilisant un robot doit l'assurer comme il le fait pour sa voiture par exemple) ou la création d'un fond financé par les entreprises de l'intelligence artificielle. 

Problématiques légales et éthiques 

Le collectif alarme sur les questions légales et éthiques que pourrait entraîner ce nouveau statut juridique. En effet, dans nos systèmes légaux, la responsabilité va de pair avec le droit. Ainsi, si l'on commence à reconnaître une existence juridique aux robots, finirions-nous par leur octroyer des droits ? Pour Mady Delvaux "le but n'est pas de donner un statut humain et des droits aux robots. Un robot est une machine et ne sera jamais considérée comme un humain". Il n'est donc pas question de leur créer un droit à la rémunération, la dignité, l'intégrité ou encore la citoyenneté. En tout cas, pas pour le moment.

Néanmoins, il y a bien un point sur lequel le débat semble faire l'unanimité : la nécessite d'éclaircir la législation sur la robotique. En effet, les systèmes d'intelligence artificielle s'améliorent et se complexifient de jour en jour. Serions-nous armés juridiquement quand ils seront capables de prendre une décision de manière autonome à 100% ? Aujourd'hui, plusieurs pays européens commencent à avoir des législations spécifiques pour les drones ou les voitures autonomes. Depuis octobre 2017, l'Estonie se questionne sur la création d'un statut juridique pour les robots. Il pourrait nous servir d'un premier exemple concret pour créer un cadre juridique harmonisé au niveau de toute l'Europe. Un cadre qui, tout en posant les bases de la responsabilité et de la transparence, resterait équitable et favoriserait l'innovation dans le domaine de la robotique.