Indemnités de grand déplacement : sécuriser les droits et pratiques

Indemnités de grand déplacement : sécuriser les droits et pratiques

Lorsqu’un salarié est envoyé temporairement en mission loin de son domicile, la question de la prise en charge des frais d’hébergement et de repas se pose immédiatement. Pour compenser ces dépenses, l’employeur peut verser une indemnité de grand déplacement. Ce régime, encadré par des textes et abondamment contrôlé par l’URSSAF, doit toutefois respecter plusieurs conditions précises.

L’arrêt du 10 avril 2025 (Cass. 2e civ., n° 23-10.593) vient rappeler l’essentiel : la charge des frais doit être supportée par le salarié, peu importe qu’elle soit initialement avancée par l’employeur. Un principe qui protège les droits du salarié tout en apportant un cadre sécurisé à l’entreprise.

Qu’est-ce qu’une indemnité de grand déplacement ?

Un dispositif pour compenser des frais professionnels

L’indemnité de grand déplacement est destinée à rembourser les frais supplémentaires engagés par un salarié qui, en mission temporaire, ne peut pas regagner son domicile chaque jour.

Ce dispositif repose sur l’article 5 de l’arrêté du 20 décembre 2002. Il autorise une exonération de cotisations sociales sur ces indemnités, à condition qu’elles compensent :

  • Des frais de repas, et/ou

  • Des frais de logement.

Et ce, dans la limite de plafonds forfaitaires fixés par l’administration (en 2025 : 48 € par nuitée en métropole pour l’hébergement, environ 20 € pour les repas).

Conditions pour bénéficier de l’exonération

Deux conditions sont impératives :

  • Le salarié doit être réellement en situation de grand déplacement (distance + impossibilité de retour quotidien),

  • Il doit supporter des frais réels en lien avec cette situation.

Lorsque ces deux conditions sont remplies, l’employeur peut appliquer une présomption d’utilisation conforme, sous réserve du respect des plafonds.

Ce que change l’arrêt du 10 avril 2025

Les faits : un remboursement par retenue sur salaire

Dans l’affaire jugée en 2025, une entreprise avait conclu des baux pour loger ses salariés en mission, puis procédait à une retenue sur salaire pour couvrir les frais de logement. Simultanément, elle versait une indemnité forfaitaire.

L’URSSAF a estimé que les salariés ne supportaient aucun frais, puisque le logement était payé directement par l’entreprise. Elle a donc réintégré une partie de l’indemnité dans l’assiette des cotisations.

La réponse de la Cour de cassation : la charge réelle prime

La Cour casse cette position et rappelle que :

« Il importe peu que la charge ait été avancée par l’employeur, dès lors qu’elle est effectivement supportée par le salarié. »

Dès lors que le salarié rembourse l’entreprise (ex : via retenue sur salaire), il en assume la charge. L’indemnité de grand déplacement conserve donc sa nature de frais professionnel exonéré, et l’entreprise n’a pas à réintégrer les montants concernés.

Une décision équilibrée

  • Pour l’employeur, c’est une validation d’un mode de gestion fréquent (bail conclu par l’entreprise + retenue) sous réserve d’une documentation rigoureuse.

  • Pour le salarié, c’est une garantie de ne pas être privé d’indemnité, même si les frais sont avancés à sa place.

Comment sécuriser la pratique côté entreprise ?

Obligations de l’employeur

L’entreprise doit :

  • Identifier précisément les situations de grand déplacement (ordre de mission, adresse de chantier, horaires…),

  • Vérifier que les frais engagés dépassent le seuil du quotidien (hébergement, repas…),

  • Respecter les plafonds réglementaires (cf. barèmes URSSAF),

  • Justifier que la charge incombe au salarié, même indirectement (retenue, compensation, remboursement).

Le tout doit être traçable et documenté (baux, justificatifs, bulletins de paie, etc.).

Risques en cas de mauvaise application

Un contrôle URSSAF peut aboutir à :

  • La requalification de l’indemnité en complément de salaire,

  • Un redressement des cotisations sociales,

  • Des majorations et pénalités.

L'arrêt du 10 avril 2025 sécurise donc certaines pratiques, mais ne dispense pas l’employeur de prouver la réalité de la charge supportée.

Quels sont les droits du salarié en déplacement ?

Droit à une indemnité dès lors que la mission remplit les critères

Le salarié a droit à une indemnité de logement et de repas s’il ne peut pas rentrer chez lui et engage des frais.

Même si l’entreprise avance les fonds (ex : elle loue un logement), cela ne dispense pas du versement de l’indemnité, si elle retient ensuite un loyer ou impose des frais à sa charge.

Possibilités de contestation en cas de manquement

Si le salarié n’est pas indemnisé ou si une retenue est pratiquée sans compensation équivalente, il peut :

  • Demander la régularisation à l’amiable,

  • Saisir les représentants du personnel ou l’inspection du travail,

  • En dernier recours, engager une procédure devant le conseil de prud’hommes.

En résumé : salariés et employeurs, chacun son rôle

  • L’indemnité de grand déplacement vise à compenser une contrainte temporaire et coûteuse pour le salarié.

  • L’employeur peut sécuriser son exonération si la charge des frais repose bien sur le salarié, même si elle est d’abord avancée.

  • Le salarié doit recevoir une indemnisation juste, complète et transparente.

  • La jurisprudence 2025 consacre une approche de fond plutôt que de forme, protectrice pour les deux parties à condition d’agir de bonne foi

 

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