Indemnité pour télétravail à domicile : quelles nouveautés 2025 ?
Télétravail et usage du domicile : quels droits à indemnité pour le salarié ?
Avec la généralisation du télétravail, la question de l’indemnisation de l’occupation du domicile par le salarié se pose avec acuité. Cette problématique soulève des enjeux juridiques spécifiques, notamment quant à la distinction entre remboursement de frais professionnels et indemnité d’occupation, cette dernière étant liée à l’utilisation d’une partie du logement personnel à des fins professionnelles. La jurisprudence récente contribue à préciser les conditions de reconnaissance de ce droit.
L’indemnité d’occupation : un droit fondé sur la protection de la vie privée
Selon une jurisprudence constante, l’employeur ne peut imposer au salarié l’utilisation de son domicile pour l’exécution de son contrat sans l’indemniser. Le fondement juridique repose sur l’article L. 1121-1 du Code du travail, qui impose que toute atteinte aux droits et libertés individuels soit justifiée et proportionnée.
La Cour de cassation a ainsi jugé que lorsque l’employeur demande au salarié d’accomplir ses missions à domicile, ou que celui-ci ne dispose pas d’un local professionnel dédié, une indemnité d’occupation est due :
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Cass. soc., 7 avril 2010, n° 08-44.865
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Cass. soc., 12 décembre 2012, n° 11-20.502
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Cass. soc., 8 novembre 2017, n° 16-18.499
Dans ces hypothèses, il est admis que le salarié subit une contrainte objective, en mettant à disposition une partie de sa sphère privée.
L’apport des arrêts de 2025 : vers une reconnaissance spécifique en cas de télétravail convenu
Dans un arrêt remarqué du 19 mars 2025 (n° 22-17.315), la chambre sociale de la Cour de cassation a franchi un cap important. Elle considère que le salarié peut prétendre à une indemnité pour l’occupation de son domicile :
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lorsque l’entreprise ne met pas de poste de travail à disposition,
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ou lorsque le télétravail est convenu formellement entre les parties (contrat, avenant, charte, accord collectif).
Cette solution est réaffirmée dans un second arrêt du 2 avril 2025 (n° 23-22.158), consacrant une nouvelle grille d’analyse fondée non plus uniquement sur la contrainte, mais également sur l’organisation volontaire du télétravail.
La haute juridiction distingue clairement cette indemnité des frais professionnels remboursables (connexion, électricité, mobilier…), ce qui lui confère un régime propre, à vocation indemnitaire et non forfaitaire.
Télétravail à l’initiative du salarié : exclusion du droit à indemnité
La Cour de cassation reste stricte en cas de télétravail à l’initiative du salarié. Dans l’arrêt du 4 décembre 2013 (n° 12-19.667), elle considère que lorsqu’un bureau est disponible au sein de l’entreprise, et que le salarié choisit malgré tout de travailler depuis chez lui, aucune indemnité n’est due.
La décision repose sur l’absence de sujétion imposée par l’employeur. En effet, le télétravail choisi librement exclut toute obligation compensatoire, même si un accord formel est en place.
Conditions de reconnaissance et modalités de calcul de l’indemnité
Pour que l’indemnité d’occupation soit accordée, plusieurs critères doivent être réunis :
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l’existence d’un accord sur le télétravail ou l’impossibilité d’utiliser un bureau mis à disposition ;
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l’occupation réelle d’un espace privatif (bureau, pièce, coin dédié) ;
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une durée significative d’utilisation et un lien direct avec l’activité professionnelle.
Le salarié doit justifier l’usage de son domicile, par tout moyen : attestation, descriptif des lieux, captures, photos, documents contractuels.
En l’absence de texte encadrant son montant, l’indemnité peut être négociée ou fixée forfaitairement, par exemple au prorata de la surface utilisée et du temps de télétravail. À noter que l’URSSAF admet des forfaits pour les frais, mais non pour la seule indemnisation de l’espace occupé.
La jurisprudence récente renforce les droits du salarié en matière de télétravail, en reconnaissant l’existence autonome d’une indemnité liée à l’usage professionnel du domicile. Ce droit, distinct du remboursement de frais, repose sur une double exigence : la réalité de l’occupation et l’absence de solution alternative fournie par l’employeur.
Les employeurs ont tout intérêt à formaliser les conditions d’exercice du télétravail dans des documents encadrés (avenant, charte, accord collectif), et les salariés doivent, de leur côté, documenter avec rigueur l’utilisation de leur domicile. Cette précaution permet de prévenir les contentieux, à l’heure où le télétravail devient une modalité de droit commun.
Pour en savoir plus : https://www.lebouard-avocats.fr/post/indemnite-teletravail-salarie-domicile