Indemnité d'occupation et droit d'option du bailleur commercial
Qu’est-ce que l’indemnité d’occupation en matière de bail commercial ?
Définition juridique de l’indemnité d’occupation
En matière de bail commercial, l’indemnité d’occupation correspond à la somme due par le locataire lorsque celui-ci se maintient dans les locaux après expiration du bail, sans être titulaire d'un titre régulier. L’article L.145-28 du Code de commerce précise que cette indemnité, sauf convention contraire, est fixée à la valeur locative réelle des locaux, déterminée selon les critères énumérés à l’article L.145-33.
Cette indemnité diffère substantiellement du loyer classique, car elle sanctionne une occupation sans titre ou un maintien précaire dans les locaux commerciaux. En ce sens, elle présente souvent un montant plus élevé que le loyer plafonné.
Cas particulier : indemnité rétroactive après l’exercice du droit d’option
Lorsqu’un bail commercial arrive à échéance et que les parties sont en désaccord sur le montant du loyer renouvelé, le bailleur dispose d’un « droit d’option » lui permettant, en dernier recours, de refuser le renouvellement après la fixation judiciaire du loyer (art. L.145-57 du Code de commerce).
Ce droit d’option implique une rétroactivité significative : dès lors que le bailleur exerce ce droit, le locataire n’est plus redevable d’un loyer classique, mais d’une indemnité d’occupation calculée à la valeur locative depuis l'expiration initiale du bail.
Les précisions essentielles apportées par la Cour de cassation (Cass. 3e civ., 27 février 2025, n° 23-18.219)
Contexte factuel de la décision rendue
Dans cette affaire, le locataire avait demandé un renouvellement de son bail à compter du 1er janvier 2015. Le bailleur, initialement favorable au renouvellement, avait sollicité en cours d’année la fixation d’un loyer déplafonné. Le juge ayant finalement fixé le loyer à un montant plafonné, le bailleur avait exercé son droit d’option pour refuser le renouvellement du bail et réclamé une indemnité d’occupation à partir du 1er janvier 2015.
La Cour d’appel avait limité cette indemnité à partir du 1er janvier 2016 seulement, date à partir de laquelle elle estimait que le bailleur pouvait modifier ses prétentions financières.
Position de la Cour de cassation : une indemnité rétroactive intégrale
La troisième chambre civile de la Cour de cassation casse cette décision au motif que, dès lors que le bailleur exerce son droit d’option, l’indemnité d’occupation est due rétroactivement à compter de la date d’expiration initiale du bail, soit ici le 1er janvier 2015, peu importe la date ultérieure à laquelle le bailleur a manifesté sa volonté d’exercer ce droit.
En d'autres termes, le droit d’option efface rétroactivement tout accord préalable sur le renouvellement, remplaçant ainsi immédiatement le loyer plafonné par une indemnité correspondant à la valeur locative.
Conséquences pratiques pour les bailleurs et locataires
Cette jurisprudence présente des conséquences concrètes à anticiper par les parties :
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Pour les bailleurs :
Il convient d'être particulièrement vigilant en cas de désaccord sur le loyer du bail renouvelé. Le droit d’option doit être exercé dans le délai strict d’un mois suivant la décision définitive fixant le loyer. Passé ce délai, le bailleur perd la possibilité de refuser rétroactivement le renouvellement. -
Pour les locataires :
Le locataire doit être conscient du risque financier. En effet, l’indemnité d’occupation, non plafonnée, peut s'avérer considérablement plus élevée que le loyer initialement prévu. Il est donc essentiel de prévoir cette éventualité dans sa stratégie de négociation.
Comment anticiper au mieux les risques liés à l’indemnité d’occupation ?
Prévoir contractuellement les conséquences du droit d’option
Face à la sévérité de la jurisprudence, les parties peuvent anticiper contractuellement le risque d’une indemnité rétroactive importante :
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Il peut être judicieux d’insérer dans le bail initial des clauses précisant la nature et les modalités de détermination de l’indemnité d’occupation en cas de désaccord sur le renouvellement.
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De même, prévoir des délais stricts et des mécanismes de régularisation amiable peut éviter un recours brutal à l’indemnité d’occupation.
La négociation amiable comme alternative efficace
Avant d’engager une procédure judiciaire, les parties ont intérêt à privilégier la négociation amiable afin d’éviter une indemnité d’occupation rétroactive élevée :
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Une fixation amiable et rapide du loyer renouvelé permet de sécuriser juridiquement et économiquement les deux parties.
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La médiation ou une procédure amiable encadrée par avocats permet d’éviter des coûts contentieux et une insécurité juridique durable.
Rôle essentiel de l’avocat dans la gestion du renouvellement et du droit d’option
Face à ces enjeux juridiques et financiers, le recours à un avocat spécialisé en droit des baux commerciaux est indispensable. Son rôle est crucial notamment pour :
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Conseiller efficacement le bailleur ou le locataire sur l’opportunité et les modalités d’exercice du droit d’option.
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Sécuriser contractuellement les aspects sensibles du renouvellement et de l’indemnité d’occupation.
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Anticiper les risques judiciaires et optimiser les stratégies précontentieuses.
Textes légaux à retenir pour sécuriser vos contrats commerciaux :
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Article L.145-28 du Code de commerce :
Fixe les critères de l’indemnité d’occupation à la valeur locative réelle. -
Article L.145-33 du Code de commerce :
Énonce les critères de détermination de la valeur locative, notamment caractéristiques du local, prix couramment pratiqués dans le voisinage, obligations respectives des parties, etc. -
Article L.145-57 du Code de commerce :
Encadre précisément le droit d’option du bailleur ou du locataire à l’issue de la fixation judiciaire du nouveau loyer.
En synthèse : les points-clés à retenir concernant l’indemnité d’occupation
Pour récapituler clairement cette problématique complexe :
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Le droit d’option exercé par le bailleur entraîne rétroactivement une indemnité d’occupation due à la valeur locative, dès l’expiration du bail.
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Cette indemnité remplace le loyer plafonné initialement accepté.
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Une anticipation contractuelle et amiable limite efficacement les risques et coûts associés à l’indemnité d’occupation.