Fusion-absorption et contentieux pénal : attention à l’effet boomerang

Fusion-absorption et contentieux pénal : attention à l’effet boomerang

Une condamnation pénale peut vous suivre… même après une fusion

Nombreux sont les dirigeants qui, lors d’une opération de fusion-absorption, pensent que les risques judiciaires passés « meurent » avec la société absorbée. Or, la Cour de cassation vient d’en rappeler le contraire : même dissoute, une société absorbée peut continuer à produire des effets en matière pénale. Et ces effets peuvent engager directement la société absorbante.

Dans un arrêt rendu le 29 avril 2025 (n° 24-81.555), la chambre criminelle de la Cour de cassation juge que l’appel interjeté par la société absorbante s’étend automatiquement à la condamnation de la société absorbée, sauf si l’acte d’appel limite clairement cette portée. Une décision qui mérite l’attention de tout chef d’entreprise impliqué dans une opération de fusion.

La société absorbante reprend aussi le risque pénal

Le cas concret examiné par la Cour de cassation

Deux sociétés avaient été condamnées en première instance pour des infractions liées à un accident du travail (blessures involontaires et non-respect des règles de sécurité). Quelques jours plus tard, elles fusionnaient. L’une devenait absorbante, l’autre absorbée. La nouvelle entité interjette appel, mais la cour d’appel refuse d’examiner la condamnation de la société absorbée, au motif que celle-ci n’existait plus.

La Cour de cassation casse cette décision. Elle considère que l’appel de la société absorbante valait pour les deux, car il ne contenait aucune restriction. En d’autres termes, la société absorbante hérite du contentieux pénal de l’absorbée, sauf à prouver qu’elle n’en voulait pas.

Ce que cela change pour un chef d’entreprise

Une vigilance accrue dans le suivi des procédures judiciaires

En cas de fusion :

  • Le passé judiciaire de la société absorbée doit être connu, analysé et suivi jusqu’à son terme.

  • Si un appel est envisagé après la fusion, l’acte d’appel doit être rédigé avec précision, pour éviter des interprétations trop larges.

  • Une société absorbante peut être condamnée au pénal pour des faits qu’elle n’a pas commis directement, mais dont elle hérite juridiquement.

La peine est supportée par la société absorbante

Même si les faits ont été commis par la société absorbée, la peine (amende, affichage, etc.) est prononcée contre la société absorbante. Elle doit être motivée en tenant compte :

  • De la gravité des faits commis,

  • De la situation financière actuelle de la société absorbante,

  • De la personnalité juridique de la société au moment où la peine est prononcée.

Quelles précautions prendre avant de finaliser une fusion ?

Avant de valider une opération de fusion-absorption, il est fortement conseillé de :

Une justice qui ne s’efface pas avec la fusion

Cette décision de la Cour de cassation ne vise pas à complexifier les opérations juridiques, mais à éviter qu’une fusion serve à effacer artificiellement des responsabilités pénales. Elle s’inscrit dans une tendance plus générale du droit français à responsabiliser les entreprises, y compris après restructuration.

Pour les chefs d’entreprise, cela implique une vigilance accrue :

  • On ne rachète pas seulement un chiffre d’affaires ou des actifs, mais aussi un historique de risques.

  • La fusion n’est pas une immunité judiciaire.

  • Toute opération de fusion doit s’accompagner d’une stratégie juridique préventive et rigoureuse.

Cet arrêt du 29 avril 2025 doit être vu comme une alerte stratégique : une fusion ne solde pas les comptes pénaux de l’entreprise absorbée. Pour les dirigeants, cela signifie qu’au-delà des bilans, il faut analyser en profondeur l’exposition judiciaire d’une société cible.

Un contentieux mal anticipé peut se transformer en amende, voire en réputation entachée. Dans un monde où la transparence et la compliance deviennent centrales, mieux vaut prévenir que gérer une condamnation pénale « héritée »… et coûteuse.