Franchise : ce que le franchisé peut préparer avant la fin du contrat

Franchise : ce que le franchisé peut préparer avant la fin du contrat

Une précision de la Cour de cassation sur la frontière entre loyauté contractuelle et liberté d'entreprendre

Dans un arrêt du 19 mars 2025 (n° 23-22.925), la chambre commerciale de la Cour de cassation a réaffirmé une règle essentielle en droit des affaires : un franchisé soumis à une clause de non-concurrence applicable uniquement pendant la durée du contrat peut, sans engager sa responsabilité, préparer sa future activité concurrente tant qu’il n’en débute pas l’exploitation effective.

Cette décision vient apporter une clarification attendue en matière de franchise, où les litiges liés à la période de transition sont fréquents.

Une clause classique mais source de nombreux conflits

La clause de non-concurrence pendant l'exécution du contrat

Les contrats de franchise comportent, dans leur grande majorité, une clause interdisant au franchisé d’exercer une activité similaire à celle du réseau pendant la durée de la relation contractuelle. Elle vise à protéger le savoir-faire, la clientèle et l’identité de la marque du franchiseur, tout en assurant une cohérence du réseau.

Pour être valable, cette clause doit respecter les principes de proportionnalité et de légitimité de l’intérêt protégé, tels que définis par la jurisprudence. Elle doit donc être limitée dans le temps, dans l’espace et dans son objet.

Le cas d’espèce : constitution d’une nouvelle activité avant la fin du contrat

Dans l’affaire ayant donné lieu à la décision du 19 mars 2025, un franchisé avait anticipé la fin de son contrat en créant une société concurrente et en déposant des marques, tout en informant certains de ses clients via email et réseaux sociaux. Pour les franchiseurs, ces actes constituaient une violation manifeste des clauses contractuelles.

La cour d’appel leur avait donné raison, considérant qu’un simple projet structuré d’activité concurrente suffisait à caractériser un manquement. La Cour de cassation n’a pas suivi cette position.

La position de la Cour de cassation : des actes préparatoires licites sous conditions

Une tolérance des démarches préparatoires, sans démarrage de l'activité

La Cour rappelle avec force que le franchisé ne peut se voir reprocher des actes de préparation à une future activité concurrente tant que celle-ci n’a pas débuté, même si le projet est abouti juridiquement. Ainsi, la création d’une société, le dépôt d’une marque, la recherche de partenaires ou la prise de contact avec des fournisseurs sont des démarches tolérées.

Cette solution repose sur la distinction classique en droit civil entre l’intention et l’exécution d’une obligation. En l’absence de preuve d’une exploitation effective de l’activité concurrente avant la fin du contrat, aucune faute ne peut être retenue à l’encontre du franchisé.

Une position cohérente avec la jurisprudence sociale

La solution n’est pas sans rappeler les décisions rendues en droit du travail, notamment à propos de l’ancien salarié non tenu par une clause de non-concurrence post-contractuelle. Ce dernier peut constituer une entreprise concurrente pendant son préavis, sous réserve de ne pas exploiter l’activité avant la fin du contrat (v. Cass. soc., 23 sept. 2020, n° 19-15.313).

L’analogie confirme la tendance des juridictions à protéger la liberté d’entreprendre, tout en encadrant les obligations de loyauté pendant l’exécution du contrat.

Enjeux pratiques pour les parties au contrat de franchise

Pour le franchisé : anticiper sans basculer dans l’exploitation

Un franchisé en fin de contrat dispose désormais d’une base jurisprudentielle solide pour :

  • organiser sa future structure ;

  • réaliser les formalités administratives (immatriculation, enregistrement de marque) ;

  • rencontrer d’éventuels collaborateurs ou fournisseurs.

Il devra toutefois veiller à ne pas entamer d’activité effective (prise de commandes, lancement de site internet marchand, ouverture d’un local) avant la date de fin du contrat.

Pour le franchiseur : mieux rédiger les clauses et surveiller les comportements

De leur côté, les franchiseurs sont invités à :

  • préciser les comportements interdits même à titre préparatoire, s’ils portent atteinte au réseau ;

  • éviter de cumuler plusieurs clauses de non-concurrence de durées différentes, notamment dans des contrats avec des filiales du même groupe, au risque de porter une atteinte excessive à la liberté d’entreprendre ;

  • documenter précisément les preuves d’une exploitation anticipée pour justifier toute résiliation anticipée.

Clause de non-concurrence et procédure collective : la portée limitée de la condamnation

La Cour a également rappelé que lorsqu’une société franchisée est en liquidation judiciaire, comme c’était le cas ici, aucune condamnation au paiement ne peut être prononcée contre elle. Seule la fixation de la créance au passif est possible, en application des articles L. 622-7 et L. 641-9 du Code de commerce.

Ce point de droit, parfois négligé, est essentiel pour les avocats confrontés à des litiges impliquant des entreprises en difficulté.

Une décision équilibrée, tournée vers la sécurité juridique

L’arrêt du 19 mars 2025 offre une clarification bienvenue sur le périmètre des clauses de non-concurrence dans les contrats de franchise. En reconnaissant au franchisé le droit de préparer sans exploiter, la Cour confirme l’importance de la liberté d’entreprendre tout en préservant l’ordre contractuel.

Il appartient désormais aux professionnels de la franchise — franchiseurs comme franchisés — de tirer les enseignements de cette décision pour sécuriser leurs contrats et leurs pratiques.

 

En savoir plus : https://www.lebouardavocats.com/blog-posts/clause-non-concurrence-franchise-actes-preparatoires

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