Dirigeant fautif : action ut singuli, le nouvel atout des associés

Dirigeant fautif : action ut singuli, le nouvel atout des associés

La dernière décision de la Cour de cassation (com., 7 mai 2025, n° 23-15 931) renforce un outil encore méconnu : l’action sociale ut singuli. Désormais, un associé n’a plus à attendre que la société réagisse pour poursuivre un gérant fautif ; il peut agir en parallèle. Pour tout chef d’entreprise, cette évolution change le rapport de force interne : elle protège le patrimoine social, mais exige une gouvernance plus transparente.

Comprendre la portée du nouvel arrêt

Le cœur de la décision

  • Contexte : une SARL et deux associés poursuivent l’ancienne gérante pour fautes de gestion.

  • Problème : la cour d’appel juge l’action des associés irrecevable car la société agit déjà.

  • Solution cassation : les associés disposent d’un droit propre ; leur action peut être exercée conjointement à celle de la société, sans démontrer d’inaction.

En clair, la Haute juridiction met fin à l’idée que l’action des associés serait « subsidiaire ». Dès qu’un dirigeant compromet l’actif social, chaque porteur de parts est légitime pour intervenir.

Pourquoi c’est décisif pour les dirigeants

  • La menace contentieuse ne dépend plus du bon vouloir des organes sociaux.

  • Une double procédure augmente le risque de condamnation et de publicité négative.

  • Les transactions « de façade » deviennent inefficaces : l’associé non signataire peut poursuivre malgré tout.

Mode d’emploi pour l’associé qui veut agir

Étape 1 : qualifier la faute et calculer le préjudice

  • Faute : dépenses personnelles payées par la société, convention non approuvée, omission fiscale, négligence grave.

  • Préjudice : perte sèche (détournement), pénalités, intérêts moratoires, manque à gagner.

Étape 2 : réunir les éléments de preuve

  1. Procès-verbaux et annexes comptables.

  2. Rapports du commissaire aux comptes ou de l’expert-comptable.

  3. Courriels montrant la décision incriminée.

S’il manque des pièces, l’associé peut demander une expertise préventive (CPC, art. 145).

Étape 3 : engager l’action

  • Assignation « au nom et pour le compte de la société » devant le tribunal de commerce.

  • Prescription : 5 ans à compter de la découverte des faits (C. civ., art. 2224).

  • Aucune majorité minimale ; un associé unique suffit.

  • Les indemnités versées iront dans la trésorerie de l’entreprise ; l’associé peut demander le remboursement de ses frais.

Prévenir plutôt que guérir : bonnes pratiques de gouvernance

Mettre en place un reporting régulier

  • Réunions de direction trimestrielles avec PV détaillés.

  • Validation systématique des conventions liées (C. com., art. L223-19) avec vote séparé des intéressés.

Sécuriser la trésorerie et les processus d’achat

  • Double signature au-delà d’un plafond fixé par le conseil.

  • Audit interne annuel sur les dépenses sensibles.

Communiquer avec les associés minoritaires

  • Lettre d’information semestrielle résumant les décisions de gestion.

  • Accès facilité aux documents sociaux (art. R223-14).

Un associé bien informé agit moins souvent ; un déficit de communication alimente la suspicion et, désormais, un contentieux possible à tout moment.

L’arrêt du 7 mai 2025 bascule la responsabilité des dirigeants dans une zone de vigilance accrue : un gérant fautif peut dorénavant être poursuivi simultanément par la société et par chaque associé. Pour les chefs d’entreprise, deux messages s’imposent :

  1. Sécurisez vos pratiques : tracez chaque décision engageant les fonds sociaux.

  2. Écoutez vos actionnaires : un dialogue clair vaut mieux qu’un procès long et coûteux.

En transformant l’action ut singuli en véritable bouclier patrimonial, la Cour consacre le rôle actif des associés dans la défense de leur entreprise ; il appartient maintenant aux dirigeants de prouver qu’ils n’ont rien à cacher.

 

LE BOUARD AVOCATS

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