Contrat commercial et force majeure

Contrat commercial et force majeure

Contrat commercial et force majeure : le remboursement de l’acompte s’impose en cas d’empêchement définitif

Dans un arrêt publié au bulletin le 26 février 2025 (n° 23-21.266), la chambre commerciale de la Cour de cassation rappelle un principe fondamental du droit des obligations : lorsqu’un contrat ne peut être exécuté en raison d’un cas de force majeure, le contrat est résolu de plein droit et les sommes perçues à titre d’acompte doivent être intégralement restituées, sauf clause contraire.

L’intérêt de cet arrêt dépasse le seul cadre de la pandémie de Covid-19. Il illustre avec rigueur les effets juridiques d’une impossibilité d’exécution dans les relations commerciales et souligne l’importance, pour les professionnels, de sécuriser contractuellement les conséquences de l’imprévu.

Une annulation pour Covid-19 et un acompte partiellement conservé

L’affaire à l’origine de cette décision est simple mais révélatrice. Un commerçant avait réservé un stand sur une foire professionnelle, annulée en raison des mesures gouvernementales liées à la pandémie. L’organisateur, reconnaissant l’existence d’un cas de force majeure, avait remboursé la moitié de l’acompte versé.

Estimant être en droit d’obtenir la restitution intégrale de la somme (858 euros), le commerçant a saisi la juridiction consulaire. Le tribunal de commerce de Meaux a rejeté sa demande, considérant que l’organisateur, exonéré de sa responsabilité, n’était pas tenu de restituer la totalité du prix perçu.

La force majeure n’empêche pas la restitution

La Cour de cassation ne suit pas ce raisonnement. Elle rappelle que la survenance d’un cas de force majeure, dès lors qu’il rend l’exécution du contrat définitivement impossible, entraîne sa résolution de plein droit, conformément à l’article 1218, alinéa 2, du Code civil.

En application de l’article 1229, alinéa 3, lorsque les prestations échangées n’avaient d’utilité que dans l’exécution complète du contrat, elles doivent faire l’objet d’une restitution intégrale. Autrement dit, même en l’absence de faute, le débiteur doit rendre l’acompte perçu si la prestation est devenue sans objet.

L’arrêt opère ainsi une distinction nette entre l’exonération de responsabilité (le débiteur n’est pas fautif) et le droit du créancier à la restitution (la prestation n’a pas été exécutée et ne peut l’être).

Sécuriser les relations contractuelles : un impératif pour les entreprises

Anticiper les effets d’une annulation

Cet arrêt rappelle aux professionnels l’absolue nécessité de prévoir, dès la rédaction du contrat, ce qu’il advient des sommes versées en cas d’empêchement lié à un événement extérieur. La force majeure ne se présume pas. Elle peut être définie contractuellement, de même que ses effets, notamment sur les acomptes, avances et indemnités.

Une clause claire, prévoyant le sort des paiements en cas de force majeure (restitution partielle, conservation d’une quote-part, remboursement forfaitaire), peut éviter des contentieux longs et coûteux.

Encadrer la résolution

Le Code civil distingue désormais la résolution pour inexécution fautive et celle fondée sur une impossibilité objective d’exécution. Dans les deux cas, l’issue juridique peut être identique (restitution), mais seule une clause adaptée permet de maîtriser les conséquences financières.

Une clause de résolution anticipée, combinée à des conditions de remboursement graduées selon l’état d’avancement de la prestation, offre une véritable sécurité juridique à l’entreprise.

Une jurisprudence cohérente avec les principes du droit commun

Cet arrêt ne constitue pas une rupture. Il s’inscrit dans une ligne jurisprudentielle constante depuis la réforme du droit des contrats de 2016. Déjà, en janvier 2023, la Cour de cassation avait jugé que les prestations non exécutées en raison de l’annulation d’un salon devaient donner lieu à restitution intégrale (Cass. com., 18 janv. 2023, n° 21-16.812).

L’apport principal de l’arrêt du 26 février 2025 réside dans la clarté du raisonnement et l’application rigoureuse des textes. Il démontre que la force majeure, si elle protège le débiteur d’une condamnation, n’efface pas pour autant les effets juridiques de l’inexécution.

Une lecture essentielle pour les professionnels du B2B

Ce type de contentieux est fréquent dans les relations interentreprises, notamment dans les secteurs à forte dépendance contractuelle : événementiel, logistique, prestations ponctuelles, salons professionnels. Il démontre aussi que l’absence de faute ne dispense pas d’une obligation de restituer. La vigilance rédactionnelle s’impose donc à toutes les étapes de la contractualisation.

Prévoir, c’est déjà protéger

L’arrêt du 26 février 2025 constitue une nouvelle illustration du principe selon lequel l’imprévu ne doit pas faire obstacle à l’équité contractuelle. La restitution intégrale de l’acompte en cas de résolution du contrat pour force majeure s’impose, même lorsque le débiteur est totalement étranger à l’empêchement.

Les entreprises ont tout intérêt à intégrer cette donnée dans leur stratégie contractuelle. Une rédaction claire, une clause de force majeure bien calibrée et des conditions financières adaptées sont aujourd’hui indispensables pour préserver les équilibres économiques et juridiques de la relation commerciale.

 

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