Commissaire unique pour actions de préférence : que dit la loi ?

Commissaire unique pour actions de préférence : que dit la loi ?

Commissaire aux avantages particuliers : quelles obligations en cas d’émission multiple d’actions de préférence ?

Un outil de structuration capitalistique soumis à des exigences de transparence

L’émission d’actions de préférence s’impose depuis plusieurs années comme un mécanisme central dans l’ingénierie juridique des sociétés par actions. Qu’il s’agisse de faciliter une levée de fonds, de récompenser un dirigeant ou d’attirer des investisseurs stratégiques, ces titres permettent d’adapter les droits attachés aux actions en fonction d’objectifs ciblés.

Mais lorsque la société choisit d’émettre plusieurs catégories d’actions de préférence au cours d’une même assemblée générale, et que celles-ci sont attribuées à des bénéficiaires distincts, se pose une question technique mais essentielle : combien de commissaires aux avantages particuliers doivent être désignés ?

Une seule opération, un seul commissaire : une réponse validée par l’ANSA

Le Code de commerce, à l’article L. 228-15, impose la désignation d’un commissaire aux avantages particuliers lorsque des droits spécifiques sont accordés à des personnes nommément désignées. Ce commissaire a pour mission d’apprécier, sous sa responsabilité, la réalité et la valeur des avantages consentis, dans un rapport transmis aux actionnaires.

Cependant, ce même article précise que le commissaire ne doit pas exercer d’autres missions dans la société, consacrant ainsi un principe d’unicité de mission.

Dans un avis remarqué en date du 5 février 2025 (n° 25-004), le comité juridique de l’ANSA considère que ce principe n’interdit pas la désignation d’un seul commissaire en cas d’émission, lors d’une même assemblée générale, de plusieurs catégories d’actions de préférence aux droits distincts. L’émission, bien que composée de plusieurs séries, constitue une opération juridique unique, ce qui justifie l’intervention d’un commissaire unique.

Les conditions à respecter pour sécuriser l’unicité de mission

Pour que cette simplification soit juridiquement recevable, plusieurs conditions doivent être strictement observées :

  • l’émission doit intervenir au cours d’une seule et même assemblée générale ;

  • le commissaire désigné doit répondre aux critères d’indépendance prévus à l’article L. 228-15 (pas de mission actuelle ni passée dans la société sur une période de 3 ans) ;

  • le rapport du commissaire doit comporter une analyse rigoureuse distincte pour chaque catégorie d’actions, avec une rubrique spécifique à chaque avantage particulier ;

  • les bénéficiaires doivent être nommément désignés, conformément à la jurisprudence constante.

Cette solution permet ainsi d’éviter la multiplication des désignations, tout en préservant la qualité du contrôle sur les avantages particuliers consentis.

Des exceptions à connaître : quand plusieurs commissaires sont nécessaires

Attention toutefois : dans certains cas, la désignation de plusieurs commissaires demeure impérative. On citera notamment :

  • le cas d’une suppression du droit préférentiel de souscription, nécessitant un commissaire désigné selon l’article L. 225-138-II du Code de commerce ;

  • les hypothèses dans lesquelles la société n’est pas dotée de commissaire aux comptes et procède à une émission au profit de bénéficiaires nommés d’actions déjà existantes. L’ANSA, dans son avis du 7 février 2024 (n° 24-005), recommande alors la désignation de deux commissaires distincts : l’un pour l’évaluation des avantages particuliers, l’autre pour celle du prix d’émission.

Il est donc fondamental de bien qualifier juridiquement la nature de l’opération et la configuration de la société, afin d’anticiper les obligations procédurales.

Vers une rationalisation des pratiques en droit des sociétés

La position adoptée par l’ANSA s’inscrit dans une volonté de sécuriser les pratiques, tout en évitant un formalisme excessif qui alourdirait inutilement les opérations. Elle conforte les praticiens dans l’idée que l’unité juridique d’une opération prime sur la pluralité de ses composantes techniques.

Pour les sociétés, cela signifie :

  • un gain de temps et une simplification du calendrier juridique ;

  • une réduction des coûts de formalités, souvent non négligeables lors de levées de fonds complexes ;

  • une meilleure lisibilité pour les actionnaires, qui peuvent consulter un seul rapport structuré.

Synthèse des points à retenir

  • L’émission simultanée de plusieurs catégories d’actions de préférence peut être encadrée par un seul commissaire aux avantages particuliers, sous réserve du respect des exigences du Code de commerce.

  • Le rapport doit présenter distinctement les avantages propres à chaque catégorie d’actions.

  • Dans certaines situations (absence de CAC, émission avec suppression du DPS), plusieurs commissaires restent obligatoires.

  • Cette lecture, bien que non contraignante, est aujourd’hui largement admise dans la pratique à la lumière des avis successifs de l’ANSA.

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