Actualité droit social de Mars 2024
Dans le contexte de notre surveillance régulière des évolutions juridiques, plusieurs thématiques d'importance requièrent notre attention pour ce mois de mars 2024. De l'évolution jurisprudentielle afférente aux droits à congé des employés en période de maladie à l'approche du mois sacré du Ramadan, en passant par des progrès notables dans la législation et la réglementation, notre analyse vise à éclairer sur les récentes avancées dans le domaine social.
Droit à congé pour les employés en arrêt de travail : confirmation de constitutionnalité
La décision rendue par la Cour de cassation le 13 septembre 2023, qui reconnaît le droit à congé pour les employés en période d'incapacité de travail, marque un tournant significatif et souligne la dimension sociale de cette jurisprudence. Cette décision a mené à une saisie du Conseil Constitutionnel qui, par son arrêt n°2023-1079 QPC en date du 8 février 2024, a ratifié la conformité des dispositions des articles L. 3141-3 et L. 3141-5 du Code du travail avec la Constitution. Le Conseil a statué que les modalités d'acquisition de congés payés, y compris durant les périodes d'absence pour raison médicale, ne transgressent ni le principe du droit au repos ni celui de la protection de la santé, principes fondamentaux inscrits dans notre cadre juridique.
Obligations d'information des salariés par l'employeur
L'arrêté du 9 février 2024 précise l'entrée en application, à partir du 1er avril 2024, des prescriptions du décret n°2023-1004 du 30 octobre 2023. Ce décret oblige les employeurs à communiquer des informations cruciales concernant le lien de travail à leurs employés, dans une démarche de transparence et de précision. Les exigences concernant la diffusion de ces informations, ainsi que les obligations relatives à l'expatriation des salariés, sont désormais définies avec exactitude, consolidant de ce fait les droits des employés.
Le projet de loi simplification
Le débat législatif actuel sur le projet de loi de simplification occupe une place prépondérante dans la réforme du droit du travail, avec pour ambition de démythifier et d'alléger le corpus juridique régissant les relations professionnelles. Cette réforme, particulièrement attendue par les petites et moyennes entreprises ainsi que les jeunes pousses, aspire à rendre le droit du travail plus abordable et à renforcer la sécurité juridique des salariés. Ce mouvement de rénovation du droit social, en pleine effervescence, souligne l'impératif d'adaptation de notre législation aux réalités économiques contemporaines.
En complément, l'arrêté ministériel du 9 février 2024 précise les contours des obligations d'information des salariés par l'employeur, instaurées par le décret n°2023-1004 du 30 octobre 2023. Ces obligations, applicables à partir du premier avril 2024, ambitionnent de renforcer la transparence des relations de travail et d'assurer une communication fluide entre les employeurs et leurs salariés, notamment dans le contexte de l'expatriation.
Le projet de loi en question propose un ensemble de quatorze mesures visant à simplifier le paysage législatif pour les entreprises. Parmi ces dispositions, on retrouve l'uniformisation des critères de calcul des effectifs, l'abolition de la nécessité de maintenir une Base de Données Économiques, Sociales et Environnementales (BDESE), la simplification des procédures relatives aux arrêts de travail, la suppression de l'attestation employeur dématérialisée, et une réduction des enquêtes obligatoires imposées aux entreprises. De surcroît, le texte législatif prévoit de faciliter l'usage du Titre emploi-service entreprise (TESE) pour les entités de moins de cinquante salariés, d'élargir la souplesse du recours au travail à temps partiel, et de modérer les contraintes associées aux différents seuils d'effectifs.
Ces réformes, conçues pour alléger la gestion des ressources humaines au quotidien, témoignent d'une volonté législative d'harmoniser les exigences économiques des entreprises avec la préservation des droits fondamentaux des salariés.
Assouplissement des modalités du congé de présence parentale
Introduction législative majeure : le décret n°2024-78
Dans un contexte de réforme législative significative, le décret n°2024-78, promulgué le 2 février 2024 et entrant en vigueur le 5 février de la même année, incarne une avancée notable. Ce texte, pris en application de l'article 4 de la loi du 19 juillet 2023, vient simplifier substantiellement le renouvellement du congé de présence parentale ainsi que de l'allocation journalière de présence parentale (AJPP), témoignant de l'engagement résolu du législateur à soutenir les familles confrontées à des défis médicaux considérables.
Cadre légal renforcé par la loi du 19 juillet 2023
La loi du 19 juillet 2023 s'établit comme un pilier fondamental dans le soutien aux familles dont les enfants sont confrontés à des pathologies sévères, des handicaps ou des accidents d'une gravité notable. Elle habilite les parents, qu'ils soient employés du secteur privé ou agents de la fonction publique, à se prévaloir de l'AJPP, tout en leur permettant d'ajuster leur activité professionnelle pour se consacrer aux soins intensifs requis par leur enfant de moins de 20 ans.
Selon les dispositions de cette législation, un parent peut bénéficier d'un congé pouvant atteindre 310 jours ouvrés, répartis selon les besoins et sur une durée maximale de trois ans. Si les jours alloués sont intégralement utilisés avant le terme de cette période, un renouvellement du congé pour une nouvelle tranche de 310 jours est envisageable, en cas de récidive de la maladie ou si l'état de santé de l'enfant continue d'exiger une présence et des soins soutenus.
Simplification procédurale par le décret du 2 février 2024
Initialement, la procédure de renouvellement exigeait un accord formel du service de contrôle médical affilié à la caisse d'Assurance maladie, avec un délai de réponse fixé à deux mois. L'absence de réponse dans ce délai impliquait un refus tacite, générant des délais prolongés et des complications administratives pour les familles concernées.
Le décret récent supprime l'exigence d'une autorisation préalable de la part de ce service de contrôle médical. Désormais, il incombe au parent de présenter à son employeur un certificat médical actualisé, délivré par le praticien en charge de l'enfant, attestant de la persistance des besoins en soins et de la nécessité d'une présence parentale continue. Pour le renouvellement de l'AJPP, ce même certificat doit être transmis au service de contrôle médical de la CAF, l'absence de réponse étant dorénavant interprétée comme une validation du renouvellement de l'allocation.
Conclusion : un soutien adapté et pérenne aux familles
Cette réforme, en allégeant les démarches administratives, reflète la détermination du législateur à offrir un accompagnement ajusté et durable aux familles en difficulté, leur permettant de mieux gérer les défis professionnels et familiaux dans des circonstances particulièrement éprouvantes.
Renforcement de l'emploi des personnes handicapées dans les entreprises adaptées
Introduction à la nouvelle réglementation : Décret n°2024-99
L'entrée en vigueur du décret n°2024-99, daté du 10 février 2024, constitue un jalon important dans la consolidation des dispositifs favorisant l'intégration professionnelle des personnes en situation de handicap dans le tissu économique français. Ce décret, applicable dès le 11 février 2024, pérennise deux mesures expérimentales essentielles :
- Contrats à Durée Déterminée "Tremplin" dans les entreprises adaptées : Cette innovation législative autorise expressément les entreprises adaptées à engager des travailleurs handicapés sous des contrats CDD dits "tremplin", envisagés comme un vecteur d'insertion professionnelle. Ces contrats sont destinés à structurer un parcours personnalisé permettant aux travailleurs de s'épanouir professionnellement, d'acquérir des compétences valorisables et de concrétiser leurs aspirations professionnelles.
- Création d'entités spécialisées en travail temporaire pour personnes handicapées : Cette disposition instaure des entreprises adaptées spécifiquement axées sur le travail temporaire pour les individus handicapés, s'engageant à leur fournir un encadrement renforcé. L'objectif est de les accompagner dans leur progression et mobilité professionnelles, en favorisant leur insertion durable dans le marché du travail.
Le décret précise les exigences relatives à l'accompagnement spécialisé de ces travailleurs, garantissant un suivi adapté à leurs besoins. Il définit également les obligations de reporting pour les entreprises adaptées et les entreprises de travail temporaire adaptées, assurant une transparence quant à leur performance et l'impact de leurs actions.
Contexte des entreprises adaptées
Les entreprises adaptées, établies depuis 2005, ont pour vocation d'intégrer majoritairement des personnes handicapées (au moins 55% de leurs effectifs), leur offrant ainsi un accès privilégié à l'emploi. Elles fournissent un environnement de travail ajusté aux spécificités de ces travailleurs, tout en les assistant dans l'élaboration et la mise en œuvre de leurs projets professionnels. Ces structures servent souvent de passerelle vers d'autres opportunités d'emploi, que ce soit dans le secteur privé ou public.
Pour appuyer leur mission d'inclusion, les entreprises adaptées bénéficient de subventions étatiques, témoignant de la volonté politique de favoriser l'insertion professionnelle des personnes handicapées et de promouvoir l'égalité des chances dans le monde du travail.
Le contrat à durée déterminée "tremplin" : un vecteur d'inclusion professionnelle
Introduction au CDD "tremplin"
Dans le cadre de l'engagement envers l'inclusion professionnelle des personnes handicapées, le législateur a institué le contrat à durée déterminée "tremplin". Ce contrat, d'une durée minimale de quatre mois et assorti d'un volume horaire hebdomadaire minimal de vingt heures, est conçu spécifiquement pour les personnes en situation de handicap. Offert par des entreprises adaptées engagées, il a pour finalité de tracer un parcours individualisé, favorisant l'accumulation d'expériences professionnelles valorisantes et l'élaboration d'un projet professionnel solide et réaliste.
Objectifs et portée du CDD "tremplin"
Cette initiative législative souligne l'importance cruciale de l'insertion et de l'évolution professionnelles des personnes handicapées. Elle place ces individus au centre des stratégies d'emploi, en encourageant leur participation active et pleine au sein de l'économie nationale.
Enjeux du RSA et responsabilités des employeurs durant le Ramadan
Réforme du Revenu de Solidarité Active (RSA)
Dans une démarche visant à renforcer l'insertion professionnelle des allocataires du RSA, une expérimentation a été mise en place dans 18 départements dès 2023, conditionnant le versement de l'aide à une activité minimale de 15 heures par semaine. Cette initiative, destinée à être généralisée à l'échelle nationale en 2025, reflète la détermination des autorités à inciter les bénéficiaires du RSA à s'engager activement sur le marché du travail.
Précautions à adopter en période de Ramadan
Le Ramadan 2024, s'étendant du 11 mars au 11 avril, impose des obligations particulières aux employeurs, notamment dans les secteurs à haute intensité physique. Conformément à l'article 4121-1 du Code du travail, il est impératif pour l'employeur de veiller à la sécurité et à la santé des salariés, en intensifiant les mesures préventives durant cette période. Les risques liés au jeûne, tels que la déshydratation et la diminution de la vigilance, requièrent une attention accrue.
Il est primordial pour les employeurs de reconnaître ces risques additionnels et d'adapter les conditions de travail en conséquence, en favorisant un dialogue ouvert avec les salariés concernés pour discuter d'éventuelles modifications nécessaires pendant le Ramadan. Cette approche proactive et préventive est essentielle pour garantir un environnement de travail sécurisé et respectueux des pratiques religieuses des employés.
Recommandations juridiques pour la gestion du Ramadan en entreprise
Cadre juridique du jeûne du Ramadan au travail
Il est impératif de souligner que l'observation du Ramadan par les salariés relève de leur liberté individuelle et ne nécessite pas de communication formelle à l'employeur. Néanmoins, il est judicieux pour les deux parties d'engager un dialogue constructif afin d'anticiper et d'adapter les conditions de travail durant cette période. Il est essentiel d'effectuer un recensement des postes présentant des risques potentiels et de communiquer explicitement sur les mesures de précaution à observer pour prévenir tout incident susceptible de compromettre la sécurité et la santé des employés.
Obligations de l'employeur et responsabilités des salariés
L'employeur doit légitimement s'attendre à ce que les salariés maintiennent les standards de performance et respectent les exigences de productivité, y compris durant le mois du Ramadan. Il est important de noter que tout écart de conduite ou baisse de rendement attribuable au jeûne peut entraîner des mesures disciplinaires, à condition que celles-ci soient justifiées, mesurées et conformes au cadre légal.
Synthèse : Vers une culture de prévention et d'inclusion
L'expérience pilote du RSA conditionné à une activité professionnelle minimale et les mesures de prudence spécifiques au Ramadan mettent en évidence le besoin d'un engagement réciproque entre employeurs et employés pour garantir la sécurité au travail et favoriser l'insertion active dans le marché de l'emploi. Il est primordial d'adopter une démarche proactive, fondée sur le dialogue et l'ajustement des pratiques professionnelles, pour gérer efficacement ces périodes importantes. Cette approche contribue à instaurer un milieu de travail à la fois sécuritaire et respectueux de la diversité, renforçant ainsi l'inclusion et la cohésion sociale au sein de l'entreprise.